Gonzague Peugnet, 

l’entrepreneuriat inclusif au cœur du projet.

Comment naît un projet de restaurant inclusif ? Comment se construit-il ? Comment éclot-il ? Et comment se sent le principal acteur quelques mois avant l’ouverture ? C’est ce que Le Mag a voulu savoir au fil de cet entretien avec Gonzague Peugnet, cofondateur du projet de restaurant L’ExtrA à Reims.

Entretien téléphonique réalisé le 10 septembre 2021.

 

Quelle est votre histoire ? 

« Ce projet de restaurant, c’est un parcours de vie. Après seize années au marketing du constructeur automobile Renault, j’ai profité d’un plan de départ volontaire pour m’orienter vers un métier plus polyvalent et tourné vers l’humain. A l’époque, et peut être parce que j’ai vécu en Afrique et connu la place centrale et valorisée des personnes âgées dans ces pays, j’ai choisi de travailler en Ephad. Pendant huit ans, j’ai dirigé différentes maisons de retraites médicalisées. Un métier passionnant et assez usant. »

Quel a été le déclencheur pour monter le projet de l’ExtrA ?

« Un jour de mai 2018, je suis allé déjeuner au café Joyeux de l’Opéra à Paris. Cette rencontre m’a véritablement interpellé. J’ai compris que mon rôle, d’homme soi-disant normal d’aider les personnes fragiles, était une vision à sens unique. J’ai réalisé que la société a vraiment besoin de ces personnes, pour vivre en harmonie. »

Par quoi avez-vous commencé ?

 

« En mars 2019, nous nous sommes retrouvés quelques-uns dont Matthieu Saint-Guilhem, cofondateur, pour réfléchir concrètement à un projet sur le territoire.

Très rapidement, j’ai sollicité les restaurants inclusifs dont j’avais entendu parler. Tout d’abord, Flore Lelièvre du restaurant Le Reflet de Nantes pour son rôle précurseur.  J’ai également rencontré les cafés Joyeux, Un p’tit truc en plus à Mulhouse, la Cantine de Joséphine à Valenciennes, l’Inattendu à Carpentras.

En janvier 2020, comme j’étais à mon compte et que je voyais que le projet était fédérateur, j’ai décidé de m’y consacrer à 100%. »

Quelles sont les grandes étapes de vie du projet ?

« En février 2020, nous avons créé, avec Matthieu Saint Guilhem, l’association porteuse du projet « Les amis du rb22 ». Six mois plus tard, nous avons eu une opportunité d’achat pour un local. Cette avancée a déclenché la constitution de l’équipe et le montage d’une formation adaptée avec le Greta de la Marne.

Malheureusement, ce premier lieu n’a pas abouti et nous sommes repartis en quête d’un nouveau local, que nous avons trouvé cette année, au cœur du quartier du Bouligrin, le quartier des meilleurs restaurants de Reims. Nous sommes enchantés par le lieu et sa localisation. Prochaine échéance, l’ouverture, prévue pour le premier trimestre 2022. »

Parlez-nous de la coopérative L’ExtrA ?

« Nous avons créé la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) L’ExtrA pour acheter le fonds de commerce. L’association, Les amis du rb22, y est majoritaire avec 26 associés, dont quatre salariés porteurs de handicap du restaurant. Je pense que c’est une première en France dans le secteur. Nous avons mis une démarche adaptée en FALC (Facile à Lire et Comprendre*) sur cette notion d’associé-salarié. Avec cette SCIC, l’idée est de montrer que l’on peut aller plus loin que l’inclusion professionnelle et que les personnes porteuses de handicap peuvent envisager d’être des entrepreneurs. »

*La méthode « facile à lire et à comprendre » élaborée dans le cadre du projet européen Pathways est portée en France par l’Unapei et l’association Nous Aussi. Elle propose des règles pour aider les rédacteurs de documents à rendre l’information facile à lire et à comprendre pour les personnes déficientes intellectuelles.

 

Un mot sur Les brigades extraordinaires ?

« L’ExtrA fait partie des Brigades Extraordinaires, le collectif des restaurants inclusifs indépendants. Pour moi, cette mise en commun avec d’autres restaurants inclusifs est indispensable dans la vie d’un projet comme le nôtre. Même si nous ne sommes pas encore ouverts, contrairement aux autres restaurants du collectif, nous avons aussi des choses à apporter : notre expérience de formation avec le Greta, par exemple. Toutes les questions que se posent un restaurant peuvent être abordées, dans la mesure où nous ne sommes pas concurrents, puisque implantés dans des zones géographiques bien différentes. Cette solidarité est une force. »