frédéric fortier

Quand le notariat s’engage

Entrepreneur et sportif, Frédéric Fortier a une culture de l’action. Quand son fils Joseph naît avec une trisomie 21, ce notaire de profession s’informe au maximum et décide de faire sa part pour l’inclusion. Pour lui, ce sera le sport et le travail.

l’idée

Mon fils Joseph a maintenant 1 an et demi. Nous avons découvert sa « trisomie surprise », quelques jours après sa naissance. C’est le petit dernier. Il a deux sœurs de 10 ans et 7 ans. Immédiatement, mon réflexe a été de me projeter et de créer à terme les meilleures conditions possibles pour mon fils. Je suis chef d’entreprise, je peux être moteur du changement à mon niveau. Au niveau de l’emploi, plutôt que de payer une sanction financière annuelle parce que je
n’embauchais pas une personne porteuse de handicap, j’ai voulu montrer, à mon niveau, l’exemple et prouver que cela était tout à fait possible.
On entend toujours que la différence est un enrichissement. De mon côté, j’ai voulu que cela le soit vraiment.

Tout simplement

C’est l’association « Access » qui m’a présenté le CV vidéo de Maxence. Je l’ai rencontré juste après le confinement et notre échange m’a convaincu même si je savais qu’il s’agissait d’un vrai défi ; tant pour lui, d’intégrer une entreprise notariale, que pour moi, d’intégrer une personne porteuse de trisomie 21 dans mon entreprise.

 

un cv impressionant

Maxence a 29 ans, des expériences en restauration, en mairie et en écoles. Il est bilingue avec un cursus original. Né à l’étranger, il a vécu une partie de son existence à Tokyo et a pas mal voyagé. Il parle bien et il a pas mal de répondant. Quand je l’ai vu et entendu, j’ai tout de suite voulu l’embaucher !

un poste sur-mesure

Nous avons réfléchi à un poste sur-mesure, à façonner au fil du temps et je pense que c’est vraiment la bonne démarche. Une personne de l’association l’a accompagné les deux premiers jours et vient, depuis, une demi-journée par semaine. Il effectue des missions de classement, de rangement, d’archivage et de logistique. A titre d’exemple, il aménage les salles de signature avant les rendez-vous, s’occupe des consommables et fournitures. Avant son arrivée, ces tâches étaient réparties entre moi et mon directeur. Nous avons baptisé ses différentes tâches « les missions de Maxence ». Cette liste de tâches est écrite et se présente sous la forme d’un emploi du temps précis. Il sait exactement ce qu’il a à faire. Bien évidemment, il faut lui montrer, répéter, être un peu patient mais une fois que c’est acquis, on peut compter sur lui. Nous souhaiterions également axer son poste vers l’accueil des clients et nous envisageons même de lui confier des travaux de rédaction. Des petits actes notariés très simples, comme les contrats de mariage, par exemple. Qu’il soit aussi dans le métier, c’est l’objectif pour 2021 !

un vrai enrichissement personnel, pour tous

J’avais un peu d’appréhension sur l’accueil que lui réserverait la trentaine de collaborateurs de l’étude mais cela s’est parfaitement déroulé. Ils l’ont immédiatement intégré, discuté avec lui, montré comment faire certaines tâches. Certains ne connaissaient pas la trisomie 21, d’autres en avaient un peu peur, je pense. Ils ont dû s’adapter aussi.

Au-delà de l’aspect travail pur, mon idée était aussi de créer du lien social. Sur ce point, je peux déjà vous dire que c’est une réussite. Pour Maxence, qui travaille dans une entreprise ordinaire et surtout pour mes collaborateurs : être à l’écoute, répéter, vulgariser, expliquer, montrer. C’est un véritable enrichissement.

Côté cout, c’est quasi neutre

Il est en CDD pour un an pour l’instant à 60% de 35H. Son salaire avec les charges et les aides reviennent à peu près au coût de la sanction financière. Objectivement, ce n’est pas un effort financier important et les dimensions humaine et sociale compensent largement l’aspect financier. Pour l’entreprise, ce coût n’est pas un sujet.

Toutes les entreprises peuvent s’y mettre

J’ai constaté qu’en dehors de la restauration, il y a peu d’entreprises qui emploient des personnes porteuses de trisomie 21. C’est aussi pour cette raison, même dans une entreprise notariale, que j’ai voulu tester. Depuis que j’ai embauché Maxence, j’en ai parlé à des confrères qui m’ont posé nombre de questions. Je vais peut-être réussir à en convaincre deux ou trois. Le fait de démontrer a un bon impact. Je vais aussi avoir un article dans une revue juridique. Si je peux convertir des experts-comptables, avocats, notaires…ce serait génial. Toutes les entreprises peuvent s’y mettre avec un peu d’adaptation. Selon moi, il faut prévoir une personne référente pour encadrer le travail et qui peut y consacrer environ une heure par jour. Objectivement, toute PME est en capacité d’accueillir une personne différente ou en situation de handicap.

En 2021, je vais courir 21 semi-marathons pour la trisomie 21

Pour moi, les trois leviers pour l’inclusion sont le travail, l’école et le sport. Etant triathlète amateur, je me suis particulièrement intéressé aux activités sportives proposées auprès des personnes porteuses de trisomie 21, à l’instar de Special Olympics ou de la Fédération française de sport adapté. Je suis convaincu que le sport apporte beaucoup en termes de lien social, d’épanouissement et de psychomotricité. J’ai commencé par créer un groupe instagram « @Team21_sport » afin de sensibiliser le grand public et développer l’inclusion par le sport, avec l’idée de créer, pourquoi pas, une association. L’objectif est de lever des fonds via une cagnotte que j’organiserai dès l’année prochaine et de les mettre à la disposition de projets très concrets. Par exemple, pour acheter de meilleurs équipements, organiser des stages mixtes d’initiation, faire rencontrer des sportifs de haut niveau. Les personnes adhérant au projet pourront se lancer des petits défis sportifs ! Pour ma part, en 2021, j’ai décidé de courir 21 semi marathons pour la trisomie 21.

On ne fait pas une case bis

Les choses sont en train de bouger. Les gens sont plus à l’écoute et plus en capacité de recevoir des messages tels que celui. Prenez l’exemple de ce jeune américain, premier ironman porteur de trisomie 21. Sa performance a eu un retentissement au-delà des personnes concernées par le handicap. Il y a eu un article dans l’Equipe. Sur les chaînes américaines, tout le monde a parlé de lui. J’ai posté l’information sur les réseaux sociaux et elle a été très relayée. Pour moi, l’objectif c’est d’inclure les personnes différentes au même titre que les autres. Et, petite cerise sur le gâteau, c’est enrichissant pour tous !